ÉLABORER SON PROJET D'ÉTABLISSEMENT (PE-PS) EN ESSMS : LES CLÉS POUR LE CONSTRUIRE ET L'ANIMER

L’élaboration de votre projet d’établissement nécessite la mise en place d’un cadre, de règles et d’une répartition des tâches.

Pour partir sur les bons rails, il est recommandé la mise en place d’une équipe projet, ou Comité de Pilotage (COPIL). Les membres de ce comité sont choisis parmi : la direction (qui veille à la réalisation du projet d’établissement), des professionnels du soin, des représentants des usagers, des représentants de l’organisme de tutelle, a minima. Le nombre et la nature des membres du COPIL se modulent en fonction de la taille et de la complexité de l’ESSMS (EHPAD, SSIAD, MECS, ESAT,…).

Le comité de pilotage a pour rôle de décider des bases du projet d’établissement et d’en piloter l’élaboration.
Dans le détail, le COPIL :

• ✓ décide de la méthodologie projet ;
• ✓ définit le calendrier ;
• ✓ décide et priorise les thématiques à aborder dans le projet d’établissement ;
• ✓ oriente et recadre le projet ;
• ✓ le cas échéant, rédige le cahier des charges à destination d’un éventuel prestataire extérieur ;
• ✓ relit et pré-valide les documents du projet d’établissement avant son envoi en validation auprès de l’organisme de tutelle.

Dans ses recommandations, la HAS continue à souligner le rôle fédérateur du projet d’établissement.
Selon elle, le coup d’envoi de son élaboration est l’occasion rêvée de réunir le personnel, les représentants des usagers (CVS par exemple), les représentants des instances, etc.
L’objectif de ce coup d’envoi est symbolique : il permet de lancer la dynamique d’élaboration ou d’évolution du projet d’établissement, de mettre toutes les parties prenantes de l’ESSMS en visibilité et de démontrer l’importance de la démarche.

Suite à ce premier top départ, il convient d’organiser la méthode qui va permettre l’aboutissement du projet d’établissement. Sans vous imposer une méthodologie particulière, nous vous recommandons de prêter attention aux points suivants :

• ✓ la création et l’animation des groupes de travail qui vont se partager les différentes tâches de l’élaboration du projet d’établissement ;
• ✓ les règles d’échanges et de communication pour favoriser la circulation de l’information entre membres du groupe, et avec les autres professionnels de l’ESSMS ;
• ✓ les points de croisement et les instances de validation du projet d’établissement.

Pas de stratégie et d’action efficace, sans connaissance du terrain.

Avant de se lancer dans la rédaction du projet d’établissement, il est nécessaire de s’y préparer. Et cela passe par plusieurs actions (sans que cette liste soit limitative) :

• ✓ recueillir les données et les indicateurs d’activité de l’ESSMS (nombre de places, composition du plateau technique, événements indésirables,…) ;
• ✓ analyser ces données ;
• ✓ conduire des entretiens avec les professionnels, usagers, partenaires, instances ;
• ✓ suivre la conduite et la réalisation des plans d’action ;
• ✓ analyser l’environnement de l’établissement (public, ressources, gouvernance,…).

La compilation de l’ensemble de ces informations permet d’aboutir à une photographie de l’établissement. Cet arrêt sur images satisfait la dimension descriptive du prochain projet d’établissement, et favorise l’identification d’ajustements entre les actions et les prévisions, pour permettre la réflexion autour des futures orientations stratégiques.

Une fois la photographie prête, vient le temps de la projection.
Il s’agit ici de s’accorder sur le constat des actions passées, sur la vision voulue par l’établissement, et sur les missions qu’il s’est données dans le cadre de cette vision.

Cette mission est principalement celle du COPIL, car lui seul possède la vision d’ensemble de l’établissement, son passé et son avenir. Le COPIL peut évidemment s’appuyer sur les groupes de travail spécialisés préalablement constitués, qui auront une vision plus fine des activités les concernant.

Cette phase de réflexion est aussi très intéressante, au-delà de sa finalité opérationnelle, par sa dimension collective. En interrogeant les parties prenantes sur ce que doit devenir l’établissement, elle engage et implique dans une démarche d’amélioration continue de l’ESSMS.

Nous l’avons vu, le projet d’établissement en ESSMS est un document qui doit informer, fédérer et pousser à l’action. Un PE-PS de qualité pourra embarquer les équipes et les partenaires externes dans la vision et la stratégie proposée.
La phase de rédaction du document est donc cruciale : un projet bien écrit, clair et fluide, sera d’autant plus propice à être valorisé et adopté. Il est donc judicieux de confier cette responsabilité à une personne capable d’un véritable travail rédactionnel (interne ou externe à l’établissement).
Des points de croisement entre ce rédacteur et le comité de pilotage et/ou les différents groupes de travail, pourront permettre d’éclaircir les dimensions descriptives, prospectives et stratégiques du projet, et contribuer à la livraison d’un document conforme aux attentes de l’établissement.

La question de la mise en forme du projet d’établissement peut naturellement se poser. La HAS y consacre même la quatrième partie de sa recommandation “Élaboration, rédaction et animation du projet d’établissement ou de service”.
Parmi les conseils présentés, retenons les suivants :

• ✓ créer deux documents finaux : un principal, qui comprend l’intégrale du projet d’établissement et ses annexes, et un document reprenant les éléments principaux, à des fins de synthèse ;
• ✓ souligner l’identité de l’ESSMS dès la couverture (nom usuel, type d’établissement, adresse, raison sociale de l’organisme gestionnaire) ;
• ✓ préciser les dates de validité du projet (5 ans maximum) ;
• ✓ aérer et fluidifier le contenu avec des illustrations, schémas, infographies, photos, témoignages, … ;

Une fois le projet rédigé, il est temps de le présenter.

D’abord aux instances de représentation de l’ESSMS. Celles-ci sont en effet directement intéressées par le projet d’établissement, car elles portent la voix et le regard des différents publics :

• ✓ le Conseil de la Vie Sociale, qui représente les usagers et leurs proches ;
• ✓ le Comité Social et Économique, représentant le personnel ;
• ✓ le Conseil d’Administration, qui valide la gestion stratégique de l’établissement.

Puis, pour que le projet d’établissement remplisse efficacement son rôle fédérateur, il est également recommandé de le présenter aux collaborateurs, une fois validé par les instances de direction. A ce propos, la HAS souligne avec raison que cette présentation est particulièrement importante, dans le cadre d’établissements de grande dimensions, ou encore de groupements d’établissements.

Nous recommandons aussi de transmettre à chaque nouvel arrivant dans l’ESSMS un exemplaire de ce projet. D’emblée le professionnel sera ainsi intégré à la mission et aux actions de l’établissement, et trouvera le sens et le cadre de son métier dans la structure et auprès de ses usagers.

N’oublions pas que, parmi les personnes les plus intéressées par le projet d’établissement, figurent les usagers de l’ESSMS. Le projet est mentionné en effet dans la loi de 2002, et son fameux article L.311-8, au titre du droit des usagers et “définit les objectifs de l’établissement en matière de qualité des prestations”. Il est donc recommandé de mettre une synthèse de ce document à disposition des personnes accompagnées et de leurs proches. Le projet d’établissement intégral sera lui à disposition à tout moment, par exemple sur le site Internet ou à l’accueil de l’établissement.

Enfin, au terme de la présentation du projet d’établissement, il ne faut pas perdre de vue sa vocation : devenir un pilier de l’amélioration continue de l’ESSMS.
Durant les 5 années maximum de sa validité, le projet d’établissement doit être partagé en interne et à l’externe, doit infuser dans les missions et les actions des professionnels, être décliné en plans d’actions et en fiches actions qui vont guider sa mise en œuvre opérationnelle.

Il est donc recommandé d’installer une instance de suivi annuel du projet d’établissement (et pourquoi pas en maintenant à ce rôle le COPIL déjà mis en place). Cette instance de suivi aura également pour but de partager les informations de suivi et d’avancement aux parties prenantes (CVS, CSE,…).

De la qualité de ce suivi dépend en grande partie le succès du PE-PS, mais également la pertinence de son actualisation. En effet, plus les stratégies décidées et les actions déployées font l’objet de plans d’actions, de retours d’expérience, d’indicateurs, plus la tâche de remettre à jour le projet d’établissement sera préparée, le moment venu.

En rappelant son histoire et son projet originel, l’établissement peut éclairer sa situation et sa dynamique actuelle. Cet historique peut être mis en parallèle avec celui de l’environnement de l’établissement (ses publics, la réglementation,…).

Un point important peut également être mentionné : celui des valeurs de l’établissement. Elles sont souvent fondamentales dans le secteur médico-social et font partie intégrante de l’identité différenciante d’un ESSMS. Elles constituent un tronc commun, qui vient guider toutes les actions, la vision et les projets d’établissement successifs.

Le projet d’établissement encore en vigueur ou en fin de validité est aussi intéressant à rappeler. ll permettra de mettre en lumière les stratégies passées et de souligner les évolutions proposées à l’avenir.

Ainsi que le précise la HAS : “les missions sont définies par différents textes juridiques qui ont connu une évolution rapide et importante ces dernières années. Ces textes attribuent à l’établissement ou au service un positionnement dans l’ensemble du champ social ou médico-social.” (“Élaboration, rédaction et animation du projet d’établissement ou de service”, p.30).

En traitant cette thématique, l’ESSMS ancre sa vision et ses actions dans le cadre qui lui est attribué : conventions, règlements, lois, arrêtés et agréments d’autorisation, textes rattachés à la catégories FINESS de l’établissement.

Par rebond, il peut-être intéressant de comparer l’offre de service de l’ESSMS, avec les missions qui lui sont attribuées. Il est en effet possible que les deux ne soient pas totalement alignées, soit en raison d’évolutions du cadre de travail (une nouvelle loi par exemple), soit que les prestations de l’établissement se soient adaptées au besoin de son public. Auquel cas, il sera pertinent d’expliquer ces décalages, pour recentrer l’action ou renégocier les missions avec les autorités de tutelle.

Nous l’avons vu, le PE-PS est une pièce maîtresse du droit des usagers et contribue donc à ancrer la qualité des soins qui leur sont dispensés.

Se lancer dans son élaboration est une opportunité idéale pour sonder et vérifier les connaissances du terrain, préciser les attentes des personnes accompagnées, ou encore faire émerger des évolutions dans les caractéristiques du public reçu.

La HAS recommande donc de :

• ✓ décrire le public accueilli, ses attentes et ses besoins (et leurs évolutions) ;
• ✓ souligner la place donnée aux personnes accompagnées et à leur expression ;
• ✓ préciser les modalités de communication avec le public ;

L’intervention du Conseil de la Vie Sociale est à ce stade très utile, pour bien appréhender l’ensemble des dimensions du public de l’ESSMS.

A la suite du point précédent, la HAS conseille de s’attacher aux relations entre l’ESSMS et l’entourage des personnes accompagnées (parents, familles, proches) : “il convient de se questionner sur la place que la structure réserve à l’entourage ou souhaite lui réserver” (“Élaboration, rédaction et animation du projet d’établissement ou de service”, p.34).

La place de l’entourage doit donc être définie, “en précisant aussi clairement que possible le type de relations que la structure a développé, doit développer ou souhaite développer avec l’entourage”. L’ESSMS a donc la responsabilité de connaître ses obligations en la matière, et de clarifier son projet en fonction.

Par offre de service, la HAS entend : “les caractéristiques générales de l’accompagnement, prestations et activités mises en œuvre par l’établissement ou le service”.

S’interroger sur l’offre de service est crucial, car cela permet de creuser le service rendu par l’ESSMS à l’usager, et la manière dont il est rendu.

Il est donc recommandé, pour examiner l’offre de service de manière adéquate, de décrire précisément les activités de l’ESSMS à destination de l’usager, et de souligner la cohérence entre ces activités.

Ce travail a également un avantage intéressant : celui de dresser un panorama des activités de l’ESSMS et de préparer leur évaluation (auto-évaluation ou évaluation HAS) en examinant leur cohérence et leur efficience.

En complément de la nature de l’offre de service, le projet d’établissement doit se questionner sur son organisation, existante et à venir. Cela fait notamment référence aux modalités d’admission et de prise en charge du public, à l’organisation du travail, aux différents projets qui structurent l’offre (projets de soins, d’animation,…), et à la manière dont l’ensemble s’articule au sein du projet d’établissement global.

Enfin, il ne faut pas mettre de côté l’ancrage de l’ESSMS dans son territoire. Les éventuels partenariats, les liens avec les ressources et les collectivités locales,… Cet ancrage peut faire l’objet d’une analyse approfondie afin de “préciser le positionnement de la structure : spécificités, plus-value par rapport aux autres structures, et coopérations à poursuivre ou mettre en œuvre”.

Par principes d’intervention, la HAS entend les “principes opératoires qui guident concrètement l’action des professionnels”.

En se focalisant sur cette thématique, le projet d’établissement s’interroge sur :

• ✓ les sources de ces principes d’intervention : principes républicains, bonnes pratiques, référentiels, valeurs,… ;
• ✓ les tensions possibles entre principes d’intervention : par exemple, l’équilibre à trouver et ajuster entre personnalisation de l’accompagnement et règles de vie en collectivité ;
• ✓ les repères qui orientent les situations individuelles : ces repères peuvent par exemple être des plans d’action mis en place suite à la venue et l’analyse d’un événement indésirable…

Lors de l’élaboration du PE-PS, il y a donc lieu d’identifier ces principes d’intervention, d’analyser leur mise en œuvre et de vérifier leur adéquation avec la vision, les missions et les actions de l’ESSMS.

Septième thématique qui mérite sa prise en compte dans le projet d’établissement : la place des professionnels et de leurs compétences.

“Le PE-PS est l’occasion de mettre en lumière l’apport central des professionnels dans l’offre de service, dans la manière dont les compétences sont mobilisées et croisées entre elles, dans le rapport qu’entretiennent les professionnels avec les usagers, et enfin dans la manière dont la structure soutient les professionnels et anticipe l’évolution des fonctions.” (“Élaboration, rédaction et animation du projet d’établissement ou de service”, p.44).

Pour bien traiter ce point, le COPIL et les groupes de travail peuvent s’interroger sur :

• ✓ les compétences et les qualifications du personnel ;
• ✓ les fonctions et les responsabilités ;
• ✓ le travail en équipe ;
• ✓ l’organisation de l’interdisciplinarité ;
• ✓ les actions de formation et de valorisation des professionnels ;
• ✓ l’évolution des pratiques professionnelles ;
• ✓ le rapport entre personnel et public.

Dernière partie, et sans doute la plus importance du projet : les objectifs que l’établissement se donne.
Nous entrons ici de plain-pied dans la dimension projective du PE-PS, celle qui donne les perspectives, les pistes d’amélioration choisies.

Tous ces objectifs doivent être réalisés dans la durée du projet d’établissement ; il convient donc d’en prendre la mesure (moyens, échéances, modalités de contrôle,…). La HAS recommande que chaque objectif et ses caractéristiques soient détaillés dans une fiche action, puis rappelés dans un plan d’actions, lui-même évoqué dans la partie du PE-PS concernée.

Qui dit objectif et plan d’action, dit suivi et animation. Le projet d’établissement ne saurait avoir d’intérêt sans qu’il serve de référentiel à l’amélioration continue de l’ESSMS, et sans qu’il infuse dans l’ensemble de sa démarche qualité.